OM CONFIDENTIAL

26 mai 2021

La crise vécue par l’OM en début d’année a révélé l’écart croissant entre deux univers qui ne parlent pas le même langage avec d’un côté des purs passionnés de ballon rond et de l’autre des férus de chiffres ronds. Les premiers sont sur le temps court de la compétition sportive quand les seconds gagnent du temps sur la compétition économique.

Et pourtant, le passage commun existe. Il existe mais il est obstrué par des obstacles culturels, identitaires, et émotionnels. « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde » disait Albert Camus. Il en va de même avec l’Olympique de Marseille de Franck McCourt et de Jacques-Henry Eyraud aujourd’hui. Comme tous les conflits a moitié maitrisés, ils ressurgissent sitôt une étincelle, alors Messieurs Mc Court Et Eyraud, je vous propose un scénario original pour l’OM, de nature selon moi à réconcilier ces deux univers pour l’instant irréconciliables.

Retour sur la promesse et sa signification.

Annoncée quelques mois après l’arrivée des nouveaux actionnaires, deux promesses emboitées l’une dans l’autre jaillirent :

– « OM champion’s project ».
– « Etre un des clubs européens les plus innovants ! ».

Deux interprétations :
– Cela signifiait pour l’OM, l’obtention de résultats sportifs exceptionnels (dans le Top 3 français puis les 16 ou 8 meilleurs européens).
– Cela signifiait aussi que l’OM allait bénéficier d’une montée en gamme et d’un environnement technologique ultra compétitif (Cf. data MGMT pour les joueurs, l’expérientiel pour les fans et le digital pour l’influence).

Or, l’exigence technologique et innovante n’est utile que si elle sert les résultats sportifs en première intention.

Quelles ont été les interprétations de ces promesses ?

1/ En l’absence de résultats probants, l’innovation technologique passe pour un « gadget » d’une part, l’effacement du caractère imprévisible du foot cher aux
puristes d’autre part ; Qui du « tout est possible » habitant le supporter, rajoute de la frustration supplémentaire à l’échec sportif. (Souvenez-vous du débat autour de la VAR en son temps, les puristes du foot n’en voulaient pas pour ces mêmes raisons…).

2/ En l’absence de résultats encore, l’innovation conduit immanquablement à du superficiel cf. Les propos sur la « fan expérience », le spectacle, le virtuel etc.… Ces mots sont devenus des mots ennemis du supporter véritable et sans fioriture, ces mots sont même des « Toxic Claims » à leurs yeux aujourd’hui. Le risque est pour l’OM de privilégier le spectacle « en dehors du terrain ».

Des belles actions ont été menées mais elles ne sont pas jugées essentielles par les supporters.

La mise en place dès l’arrivée des nouveaux dirigeants, d’une stratégie de partenariat avec les clubs de la Région fut très bien perçue parmi les acteurs associatifs locaux, mais l’OM partant de très loin, il s’agissait d’un rattrapage nécessaire a impact très local.

D’autres actions en matière d’insertion et de RSE ont été aussi jugées positives mais qualifiées de justes… normales à l’échelle d’un club comme l’OM qui est à juste titre considéré comme un « Bien commun » dans la Ville (Action RTM, Relais vert etc…).

L’OM est a sa place en termes de classement, mais en retard sur la création de richesse et sur la formation.

En termes de classement général :

Qu’on se le dise, l’OM est à sa place en rapport de son budget : En ligue 1, 5ème budget (125 Meuros) et donc 5ème en championnat. Pourquoi crier au loup ? Même analyse portée à l’échelle européenne (dégradation du ranking UEFA sur le plan sportif avec une 42ème place en 2015 contre une 53eme en 2021 contre un budget qui place l’OM dans le Top 30.

En termes de création de richesse :

L’OM n’est pas dans le Top 30 des clubs européens qui génèrent le plus de revenus. On entre sur le terrain de jeu de JHE qui connaît ce sujet sur le bout des doigts et qui justement met en place les ingrédients qui participent à la création de valeur du club (tangible et intangible). Pour l’instant ces ingrédients ne prennent pas mais ils sont bien à la hauteur des autres grands clubs européens.

En termes de formation :

L’OM n’est pas dans le Top 20 européens des clubs qui forment le mieux (pas dans les Top 60), c’est une vraie question qui interpelle davantage les spécialistes de l’économie du sport que les supporters Marseillais.

Au bout du compte, le fait de se comparer via les ranking renvoie à la difficulté pour les fans (notamment les locaux) d’accepter la réalité de ces classements et donc de la promesse initiale. Le classement de la ligue 1 est autant un élément de fierté que de déshonneur selon la place. La comparaison est ainsi le pire et le meilleur des miroirs pour ses supporters. Pour le reste, la valeur de l’OM repose donc sur un actif intangible (la marque OM qui pèse 90 % du prix de rachat du club), à défaut d’être propriétaire du stade. Ce point n’est pas un contre argument s’il est expliqué et promu comme un plus. A ce titre les supporters sont ambivalents car ils veulent garder la mainmise sur leur stade mais ils souhaitent que l’OM gagne en valeur marchande…

Peut-on cependant objectiver les points forts et les points faibles du club ?

Bien entendu, plusieurs arguments sont légitimes :

– L’OM est Le club le plus populaire de France (réseaux sociaux/ médias…).
– L’OM entretien la permanence d’un « Mythe et d’une histoire sportive « sur jouée » (mouiller le maillot…).
– Le stade est en centre-ville (tout un symbole).
– L’OM entretien des liens historiques avec le continent Africain.
– Contre toute attente, la gouvernance du club ! La stratégie élaborée par JHE n’imprime pas alors que le club s’est doté d’outils de management et de process à la hauteur de son ambition. C’est malheureusement la partie immergée de l’iceberg, la plus ingrate car facile à critiquer tant que les résultats sportifs se font attendre.

…Ses points faibles (en dehors des résultats sportifs) :

– L’OM n’est pas propriétaire du stade (cela va-t-il changer avec le nouveau Maire ?).
– L’OM n’est pas assez « riche » comparativement aux autres grands clubs (investissements consacrés chaque année, recettes du club).
– L’image du binôme Propriétaire/ Président est trop « hors sol » et ne dégage pas assez d’empathie.
– Dans une ville comme Marseille, il n’y a pas d’amortisseurs autre que le football en cas de difficultés. La relation de Marseille avec l’OM est charnelle, ce
qui place le foot et le club comme le « seul marqueur sportif » à Marseille (avantage et inconvénient selon le baromètre populaire), mais là est le handicap de la ville et non du club.

Un désamour envers les dirigeants qui s’explique mais qui ne se justifie pas.

Le classement sportif reste le seul repère tangible aux yeux des supporters tandis que la qualité du jeu viendra toujours en seconde position. Sans résultats (en rapport de la promesse), il faut des boucs émissaires qui sont actuellement à l’OM, et dans l’ordre : La gouvernance, l’entraineur, les joueurs. Remarquons que l’ordre de la charge est actuellement inversé, car il devrait être en toute logique : joueur/ entraineur/ gouvernance. Comment reproportionner alors la part de responsabilité de chacun ? On touche à l’irrationnel et le rationnel à la fois. A défaut d’une équipe qui gagne, on en veut à ceux qui financent le club (car pour le coup l’élément rationnel est la
corrélation entre l’argent injecté et les résultats obtenus).

La stratégie du club est bien pensée pour voyager loin, elle est de haut niveau mais elle ne résonne pas sur le terrain ni dans les vestiaires, un fossé s’est creusé entre le désir de reconnaissance pour le travail de fond effectué et les retours d’humeurs et l’impatience des fans.

Le positionnement du club n’est pas audible pour l’instant, l’objectif « OM CHAMPION’S PROJECT » n’est pas que sportif, mais organisationnel a l’instar des plus grands clubs, c’est pourquoi JHE parle de reformes structurelles et de transformation en profondeur, mais ceux qui l’écoutent ne vivent que le résultat sportif à court terme.

La défense des valeurs chères au sport et à l’OM ont été trahies dans l’esprit des supporters car au-delà des résultats sportifs, ils voient l’OM devenir un « produit mondialisé ». Le football est pourtant devenu un immense spectacle mondialisé. Mais il est difficile de le reconnaître et d’assumer cette réalité pour beaucoup de supporters.

Peut-on quand même faire converger les objectifs de la gouvernance avec ceux des supporters ?

La première question à trancher est :

– Veut-on un OM qui forme ?
– Veut-on un OM qui gagne ?
– Veut-on un OM qui influence ?
– Veut-on un OM qui anime et produise du spectacle en marge du terrain ?
– Veut-on un OM qui devienne respectable parmi les décideurs politiques et économiques ?
– Etc…

Posez la question aux 13 millions de followers, ils voteront majoritairement pour un OM qui gagne et qui « mouille le maillot ».

La communication d’ensemble est selon moi trop rationnelle. Or Marseille n’est pas une ville rationnelle (lien entre rationalité/ data sciences/ chute de l’imprévu / baisse de l’estime de soi lorsqu’on donne trop de pouvoir au prévisible…) dans une ville qui souffre d’un sentiment d’infériorité.

Une des grosses erreurs de cette métropole est de vouloir se comparer à d’autres métropoles en France et à l’étranger, cf. Lyon qu’on ne cesse de poser en référence sur le plan sportif, culturel, économique. Marseille est une ville singulière incomparable, c’est pourquoi il faut élargir les critères de comparaison. De ce point de vue, JHE fait une erreur en ce sens qu’il devrait davantage faire confiance aux ressorts internes de la ville et à son ADN, autour des mots clefs suivants : diversité, créativité, émotion, engagement.

Qui sont les clients de l’OM ?

L’OM c’est en premier lieu une entreprise qui répond des mêmes questions que toute autre entreprise : s’adresse t’on en la circonstance

– aux spectateurs ?
– aux sponsors ?
– aux supporters (13 millions) ?
– aux médias et aux diffuseurs ?

Même analyse que précédemment : il y a un décalage entre l’approche de JHE, globale et multicritères et les attentes de son public. Or les supporters veulent s’entendre dire qu’ils sont les premiers concernés et a juste titre, Ils sont en capacité de déclencher un climat dégradé et d’entrainer avec eux les médias qui s’engouffrent dans les appels d’air avec d’autant plus de vigueur qu’il y a un mécontentement. L’été dernier en l’absence de match en pleine pandémie, pas un hasard si Mourad est sorti du bois, créant le feuilleton de l’été, et pas un hasard s’il maintient le brasier.

Le « Maitre des horloges » n’est plus la direction mais les supporters, c’est pourquoi il est plus que jamais vital pour le club de repositionner chacun dans son rôle. Il est anormal de subir les retours de commentaires de La Provence ou de d’autres médias suiveurs.

Mais alors quelles sont les pistes salvatrices possibles ?

Pourquoi ne pas aller le coup sur le terrain de Mourad Boudjellal qui a un flair et du bon sens et de reprendre ses formules chocs.

– L’OM a une son exposition Méditerranéenne/ elle est la porte d’entrée de l’Afrique, alors faut forcer le trait là-dessus. Quelques chiffres : 1er club européen (113 joueurs Africains à l’OM depuis sa création). 
– L’OM a une son influence mondiale, elle est rôle chef de file (dans le Top 20 européen pour ses followers sur les réseaux sociaux).
– L’OM a une sa force de caractère et de résilience (toujours entretenir le Mythe).
– L’OM donne la « Chance pour tous ».
– L’OM accélère la carrière des joueurs.
– L’OM doit miser sur son statut « hors norme », avec ses différences et ses singularités.

En synthése, c’est une question d’élasticité entre l’image/ réalité et du tuilage dans le temps

Rattrapé par son mythe, l’OM doit poursuivre son storytelling sans ralentir sa transformation (attention de ne pas copier cependant les mêmes éléments de langage qu’E. Macron qui parle de transformation numérique, de mise aux normes, d’adaptation au nouveau monde, de rationalité, etc.… Savoir manier le « en même temps » par l’OM n’est pas facile.

Compenser le travail de transformation par un discours plus authentique et se donner du temps long car il arrivera un temps ou la stratégie globale engagée paiera (sera-ce trop tardivement ?).

Il est nécessaire d’agir donc sur les 3 dimensions Court, Moyen et long terme.

A Court terme : Agir sur les joueurs (choix du recrutement)
A moyen terme : Agir sur les supporters (les associer aux décisions du club sur tous les sujets ou presque)
A long terme : Agir sur le club et l’institution (poursuivre le chantier de montée en gamme engagé par JHE).

Il faut changer la promesse sportive qui est trop enfermant.

Le principe de consulter (Agora OM) est une bonne idée sur le papier car s’inspirant du grand débat de E. Macron qui a dû imaginer un stratagème pour sortir par le haut après la crise des gilets Jaunes. Mais plusieurs points critiques :

1/ Agora OM n’est pas un slogan rassembleur car trop connoté « cultureux » et pas assez en phase avec ceux qui incarnent l’OM.
2/ Cette annonce n’était pas dans le bon tempo et aurait dû idéalement intervenir après la fin du championnat et une fois la 5ème place acquise. La consultation devrait entre autres de faire émerger une nouvelle promesse unanimement admise.

Quelques suggestions sur le positionnement du club

– L’OM, un Club global pour un Football Total (plaisir).
– L’OM, un club « sans frontière » (international et généreux).

L’image du club est son ami mais aussi son meilleur ennemi. Ne copier personne et faire confiance à ceux qui supportent le club est la clef de la réussite. Les résultats seront toujours jugés mais ils seront amortis à l’aune du respect de ses valeurs et de la participation de tous ceux qui aiment et supportent le club.

L’OM doit rester imprévisible et surprendre pour exister, car dans un monde qui s’uniformise chaque jour davantage, celui qui saura rester créatif créera à terme de la valeur. Pourquoi ne pas surprendre le monde du foot justement en nouant un partenariat avec un club de la MSL leader cf. Seattle aux Etats-Unis et lancer un chantier pour évaluer la pertinence d’une filière Made in USA. Ne serait-ce pas finalement l’avantage comparatif de F. McCourt en dehors du porte-monnaie (qui est largement en deçà des grands argentiers du foot). Il est plus que jamais nécessaire de rendre visible sa contribution affective mais aussi stratégique. Si Franck McCourt amène de la valeur, son image va indéniablement changer. Un sourcing Afro-Américain pour l’OM dans le recrutement des joueurs n’aurait-il pas de la gueule pour voyager loin ?

Pierre Distinguin, CEO Pulp
Expert en attractivité

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